Le récit perpétuel de Melik Ohanian

Publié le 06/04/2023
Mise à jour le 14/04/2023

À Talence, le récit proposé par ces neufs plots offre une représentation insolite du cosmos, autant de planètes sur lesquelles gravitent des « mots-orbites » issus du vocabulaire lié à l’espace.

Vue de l'oeuvre le récit perpétuel à talence

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© JB Menges

Vue de l'oeuvre le récit perpétuel à talence

Présentation

L'œuvre

L’œuvre est constituée d’un ensemble de neuf plots en béton, tous de tailles différentes. Les plus petits sont recouverts d’une surface miroitante et au milieu trône un plot, bien plus gros que les autres, sur lequel figure une ronde de « mots-orbites ».
Voie lactée, planète, galaxies, astéroïde, eau lunaire, soleil, étoile… des centaines de mots apparaissent sous la plaque en verre qui les recouvre et semblent raconter une histoire, celle du cosmos.
Melik Ohanian joue avec les apparences, car son installation ne semble pas au premier abord être une œuvre d’art mais plutôt des mobiliers urbains originaux sur lesquels les passants peuvent s’asseoir le temps d’une pause. Mais à la découverte des mots, la magie opère. Assemblés ainsi, les neuf modules prennent la forme d’une constellation et symbolisent la composition de notre système solaire. Le plot central représente le Soleil, tandis que les huit autres sont les planètes qui gravitent autour. Fasciné par les mystères de la galaxie et de l’espace en général, l’artiste propose une évocation insolite et poétique de l’Univers, figuré simplement par des mots du vocabulaire scientifique.

Le récit perpétuel est une œuvre discrète qu’il faut s’approprier mentalement et physiquement, comme un territoire d’expériences. C’est un espace à la fois contemplatif et méditatif qui invite le spectateur à s’arrêter un instant et à s’interroger sur l’Univers, une notion qui dépasse de loin son entendement. Les mots qui s'enchaînent créent une gamme infinie de narrations, à l’image du cosmos. Un déplacement de la réalité vers l’imaginaire se produit et laisse à chacun la possibilité de reconstituer son propre récit.

Une ronde de « mots-orbites »

À l'origine du projet, les mots-orbites lumineux se déplaçaient sous la surface du verre dans un mouvement continu, grâce à un ensemble de circuits électroniques et mécaniques. Cette cartographie animée du langage par la combinaison d'expressions scientifiques représentait un défi technique que Melik Ohanian et Bordeaux métropole ont décidé de relever ensemble. L'expérimentation est une dimension importante dans les projets de commande artistique, car concevoir des œuvres d'art pour l'espace public implique souvent une part de prise de risques. Les intempéries et les variations de température ont finalement endommagé les circuits électroniques du Récit perpétuel, en altérant durablement son fonctionnement. La décision a été prise conjointement avec l'artiste de restaurer l’œuvre en proposant une version où les mots ne circulent plus, mais sont gravés sous la surface du verre.

L'artiste

Melik Ohanian est né à Villeurbanne en 1969. Il vit et travaille à New York et Paris.

Ayant développé très tôt un goût pour l’image et pour l'utilisation du médium photographique, il intègre en 1988 l’École nationale des beaux-arts de Montpellier, puis de Lyon, d’où il sort six ans plus tard, avec le diplôme Art et Media.

Ses installations prennent le cinéma comme art de référence et témoignent de son intérêt pour le montage des séquences, leur distribution dans l’espace et dans le temps, leur confrontation ou leur dissociation. Aujourd’hui reconnu en tant qu’artiste vidéaste, Melik Ohanian travaille sur la notion d’œuvre d’art, son espace et sa réception. Il s’interroge en effet sans cesse sur le contexte de présentation de ses œuvres et sur la manière dont celles-ci peuvent être perçues.

La notion d’image « invisible », l’existence de réalités plurielles, le fonctionnement de la mémoire humaine et la relation entre temps et espace, individu et société sont des thèmes qu’il a fréquemment abordés. Il s'attache à montrer ces autres réalités par une voie abstraite et poétique, et produit en quelque sorte une nouvelle cartographie du monde. Ses œuvres placent le visiteur dans un dispositif d’exploration, le poussent à s’interroger quant aux notions d’ailleurs et d’ici. Ce procédé, caractéristique de l’œuvre de Melik Ohanian, permet de reconfigurer en profondeur le rapport au monde de l’individu en tant que spectateur.

En 2015, Melik Ohanian est le lauréat du Prix Marcel Duchamp et reçoit également le Lion d'or du meilleur pavillon (Arménie) lors de la 56° Biennale de Venise.

Texte de référence

Faiseur d’images
Melik Ohanian est né à Villeurbanne, près de Lyon, en 1969. Il vit et travaille à Paris. Issu d’une famille arménienne, il grandit entre les ateliers de peinture de sa mère et les expéditions de son père, photographe engagé. Porté par cet univers d’art et d’aventure, le jeune Melik développe un goût incontestable pour l’image et apprend à utiliser le médium photographique.
En 1988, il intègre l’École nationale des beaux-arts de Montpellier, puis de Lyon, d’où il sort six ans plus tard, avec le diplôme Art et Media. Au cours de ses études, il passe du temps à analyser les images et à examiner leurs enjeux. Lui qui aime fabriquer ses propres négatifs, débute d’ailleurs sa carrière en tant que monteur. 

Melik Ohanian sait déplier et ajouter du temps. Ses installations témoignent souvent de son intérêt pour le montage des séquences, leur distribution dans l’espace et dans le temps, leur confrontation ou leur dissociation.
Il est aujourd’hui reconnu en tant qu’artiste vidéaste et travaille sur la notion d’œuvre d’art, son espace et sa réception.

Territoire, culture et communauté
En 2002, le Palais de Tokyo fête son ouverture et invite Melik Ohanian à présenter deux œuvres personnelles : Island of an Island et Peripherical Communities. Island of an Island est un dispositif sonore et visuel dont le sujet central est l’île de Surtsey, surgie en 1963 suite à une éruption volcanique sous-marine. Sous tutelle de la communauté internationale scientifique, ce nouveau territoire, d’à peine 4 km2, est devenu un observatoire privilégié pour étudier l’apparition de la vie. L’île de Surtsey est une terre sans idée de nation, ni de culture. Et pourtant, elle fascine car elle offre un point de vue inédit sur le monde : la contemplation du vivant. 

Pour Peripherical Communities, Melik Ohanian a filmé des personnes issues de milieux urbains périphériques, qui racontent chacun leur réalité. Ces portraits interrogent l’importance de la tradition orale dans la construction d’une identité sociale, ainsi que son implication dans la mémoire collective. Cette œuvre renverse le pouvoir habituel de l’image, puisqu’ici, ce sont avant tout les voix qui donnent du sens à l’œuvre.
Melik Ohanian explore les notions de territoire, de culture et de communauté. La représentation des images, leur rapport au réel et au spectateur est l’un des éléments-clé dans son travail. Le lieu d’exposition devient alors un territoire d’expériences, qu’il faut s’approprier, occuper physiquement et mentalement.

Le cinéma, art de référence
En 2004, après avoir été pensionnaire à la Villa Médicis à Rome, Melik Ohanian reçoit une commande publique du Ministère de la Communication – Centre National des Arts Plastiques. L’artiste réalise l’œuvre Seven Minutes Before, présentée à la 26e Biennale d’arts plastiques de Sao Paulo, puis à la Biennale de Lyon, en 2005. L’installation est composée de sept écrans sur lesquels sont projetés simultanément sept plans-séquences de vingt minutes, liés entre eux par un événement final. Des personnages énigmatiques, des paysages étranges et des formes plus abstraites apparaissent d’un écran à l’autre sans jamais se croiser. Des actions singulières se déroulent dans une atmosphère aérienne et créent une sorte de film « spatial ». De par son fonctionnement par ellipses, qui appelle le spectateur à modeler un montage subjectif, Seven Minutes Before signe la cohérence de l’univers de Melik Ohanian. L’œuvre est une recherche sur la relation temps-espace dans le cinéma. Les séquences montrent une convergence de divers événements, un cosmos de paysages, de voix et d’êtres humains, qui font ressortir le caractère complexe et hétérogène du monde.

Le spectateur devient acteur
Melik Ohanian participe ensuite à de nombreuses biennales : Berlin, Sidney, Moscou, Gwangju, Séville, Venise…
En 2006, l'Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne lui consacre une exposition monographique : Let’s turn or turn around. Il y présente pour la première fois Invisible Film, une œuvre inspirée du film Punishment Park, de Peter Watkins.
Revisitant l’histoire du cinéma, Invisible Film traite d’un sujet politique, le sujet même de Punishment Park. L’histoire se déroule dans le désert de El Mirage, en Californie, où des groupes de militants réfractaires à la guerre du Viet Nam sont envoyés pour purger leur peine. Sans eau ni nourriture, et poursuivis par une équipe de policiers armés, ils doivent traverser le désert en trois jours, pour atteindre un drapeau américain.

Invisible Film est un film d’enregistrement. Pour le réaliser, Melik Ohanian a filmé la projection d’une copie de Punishment Park sur le lieu où il fut tourné en 1971. Les images ne sont réceptionnées par aucun écran et disparaissent alors dans le paysage désertique de El Mirage : Punishment Park devient le film invisible. L’artiste travaille la figure de la disparition, entre fiction et documentaire. Il met en place un dispositif qui permet de sentir autrement le film de Peter Watkins. Via une expérience physique et conceptuelle, le spectateur devient l’acteur essentiel de l’œuvre.
Melik Ohanian s’interroge sans cesse sur le contexte de présentation de ses œuvres et sur la manière dont celles-ci peuvent être perçues par le spectateur. La place du spectateur est une préoccupation centrale dans le travail de l’artiste.

Montrer d’autres réalités
La notion d’image « invisible », l’existence de réalités plurielles, le fonctionnement de la mémoire humaine et la relation entre temps et espace, individu et société, œuvre et spectateur, sont des thèmes que Melik Ohanian a fréquemment abordés.
Qu’il s’agisse d’une île surgie de nulle part où se développe la vie, de récits contés par des habitants de banlieues ou encore de militants américains condamnés par le gouvernement pour leur opposition à la guerre du Viet Nam, Melik Ohanian s’attache à l’étude de l’être humain. Les histoires qu’il raconte à travers ses œuvres sont souvent liées à des phénomènes socio-politiques et mettent à jour la complexité des écarts qui régissent nos rapports à autrui. Par une voie abstraite et poétique, l’artiste produit en quelque sorte une nouvelle cartographie du monde.
Le visiteur est placé dans un dispositif d’exploration, il est poussé à s’interroger quant aux notions d’ailleurs et d’ici. L’espace d’exposition devient alors le lieu de rencontre entre ces deux territoires physiques.
Ce procédé, caractéristique de l’œuvre de Melik Ohanian, permet de reconfigurer en profondeur le rapport au monde de l’individu en tant que spectateur.

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